Édito

Qu’ils s’affirment en continuité ou en rupture. Qu’ils fondent ou perpétuent.

Peu importe leur héritage ou bien les frontières dans lesquelles ils se situent : ni le compositeur ni le musicien ne sont nés de rien. Parce qu’ils ont toujours su regarder autour d’eux, parfois loin, dans le temps et sur la carte, comme d’ailleurs au plus profond d’eux-mêmes, pour établir les codes de leur propre chapelle.

Là où les tristes passions identitaires prospèrent sur le terreau aussi confortable que détestable de visions fragmentées et révisées de l’Histoire, de celles qui mènent à l’absurdité de la guerre, la musique d’hier à aujourd’hui, comme bien d’autres arts, nous apprend et nous libère de malheureuses certitudes. En affirmant même avec force, avec générosité, avec humanité, l’inverse.

Fidèle aux passerelles entre mémoire et exploration, entre traditions et intimités, inspirations sacrées et invitations au voyage illuminent cette 22e édition des Rencontres musicales de Vézelay. Un double sillon où les chœurs et la voix dans tous ses états règnent formidablement, en donnant leur chance à des talents audacieux et en devenir. En reposant assurément sur des musiciens confirmés et attendus.

Cette année, de grandes pages de musique chorale tournées vers les XIXe et XXe siècles côtoient de nombreux concerts et propositions gratuites, aussi dépaysantes que rafraichissantes, des rythmes et danses d’Amérique latine aux polyphonies bulgares en passant par les mélodies populaires de Transylvanie.

Aussi, de belles phalanges baroques célèbrent leur première venue, telles de nouvelles fleurs en pleine éclosion : Reinoud Van Mechelen honore Pierre de Jéliote, éminent haute-contre du XVIIIe siècle inspirateur de Rameau ; Paolo Zanzu accompagné par le jeune chœur de Paris présente Esther dans sa version de 1720, œuvre majeure de Haendel peu souvent jouée qui ouvre pourtant déjà la voie à ses grands oratorios ; le talentueux claveciniste Bertrand Cuiller, lequel en amoureux inconditionnel de Scarlatti réunit cette fois dix voix solistes exceptionnelles autour de son poignant Stabat Mater ; sans oublier Bruno Kele-Baujard qui avec l’Ensemble Zene, fait honneur aux pièces traditionnelles du Codex Caioni, à la recherche des couleurs et des saveurs d’une musique baroque de l’Est imprégnée des influences asiatiques et tsiganes.

Chefs et ensembles prestigieux français et internationaux fidèles au festival ne manquent pas à l’appel : parmi lesquels Mathieu Romano avec lEnsemble Aedes et ses fidèles compagnons des Siècles ; Sigvards Kļava avec l’immense Chœur de la Radio Lettone ou encore le chœur Ghislieri dirigé par Giulio Prandi, acclamé avec une ferveur méritée l’année dernière, qui nous fait à nouveau l’honneur de clore le festival. Tous servent l’expression spirituelle de grands maîtres – ici Bruckner, Tchaïkovski, Rossini ou encore Poulenc – nous menant là où ils apparaissent incomparablement voire étonnamment authen- tiques. Là où ils coulent prodigieusement leur pensée musicale. Là où ils s’accomplissent, nul ne peut le contester, en génies. Bien souvent d’ailleurs dans une relation tumultueuse avec leur foi religieuse ou encore, à l’ombre du reste de la production musicale de toute une vie, faite d’enjambées entre le profane et le sacré. Ces jardins secrets entrouverts sont autant d’invitations à d’intimes rencontres qu’au recueillement et à la méditation dont nous avons tant besoin dans le tumulte ambiant.

Deux ateliers de beatbox et de chant bulgare, des séances de Qi Gong, un stage avec l’épatant big band vocal Voice Messengers, une cantate participative et le désormais très attendu bal des Rencontres, qui cette année fera honneur aux musiques tsiganes signent une édition festive, foisonnante, aux bras tendus vers toutes les musiques et surtout résolu- ment participative pour chanter et danser avec les musiciens !

Enfin, parce qu’elle incarne la lutte contre le racisme, la liberté et l’enga- gement et a trouvé dans notre patrie, une terre où elle n’avait pas peur d’être noire, d’être simplement elle-même, Joséphine Baker reprend vie avec Magali Léger et l’Ensemble Constraste, quelques mois après son entrée au Panthéon. Puisse cette figure d’ailleurs familière de l’Yonne, continuer à nous inspirer.

Merci à tous nos partenaires, aux bénévoles, aux équipes techniques et permanentes de la Cité de la Voix, aux donateurs, aux musicologues et naturellement aux artistes de faire vivre avec cœur ces Rencontres !

Bien d’autres surprises vous attendent : découvrez le programme !

François Delagoutte
directeur de la Cité de la Voix