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ÉDUCATION ARTISTIQUE

Dans sa mission de développement et de démocratisation des pratiques vocales auprès de tous les âges, la Cité de la Voix est porteuse de projets d’éducation artistique et culturelle auprès des élèves de Lons-le-Saunier. Depuis septembre, Florie Dufour et Virgile Frannais interviennent dans les classes de maternelles.

Nous leur avons posé quelques questions sur leur travail…

Pouvez-vous nous raconter la genèse de la compagnie Matulu ? 

Florie : La compagnie a été créée il y a une quinzaine d’années à Orléans autour de la lecture en musique, d’où le nom : Matulu ! Au départ, nous étions deux chanteuses lyriques avec une formation théâtrale. Notre appétence littéraire nous a amenées à répondre à d’importantes commandes de lectures agrémentées de musique, dans le but de mieux amener à comprendre les textes. La musique était un moyen d’éclairer le sens des mots. Ces formats nous ont orientées petit à petit vers des propositions pour les plus jeunes. 

La bascule dans le spectacle jeune public s’est produite avec une de nos créations sur les textes de Perrault, Grimm et Andersen. L’idée était de faire redécouvrir aux adultes les contes de leur enfance. Le projet a eu un tel engouement qu’on nous a demandé d’en faire aussi une version pour les enfants.

Créer pour le jeune public demande d’ajouter une nouvelle dimension à notre travail, celle de l’aspect visuel. Nous avons donc commencé à travailler de plus en plus sur des spectacles alliant musique et théâtre. Il y a deux ans, Virgile nous a rejoint dans la compagnie. Sa présence artistique nous a donné l’envie d’ouvrir un pôle lyrique pour travailler le registre de l’opéra et de l’opérette pour le jeune public. Jusqu’à présent, le lyrique était présent uniquement par petites touches dans nos spectacles en alternance avec d’autres registres musicaux comme la chanson.

Virgile : Chanteur lyrique, passé par le conservatoire de Paris, l’Opéra du Rhin… à un moment j’ai eu le désir de créer ma propre compagnie qui permettrait de faire découvrir l’opéra à des publics qui n’ont pas l’habitude d’en entendre (quartiers populaires, zones rurales…). En arrivant à Orléans, j’ai découvert la compagnie de Florie qui proposait plus ou moins ce que je souhaitais, sans oser aller jusqu’au lyrique.

À présent, on travaille beaucoup sur des adaptations d’opéras. C’est un exercice de création très motivant. On décortique le matériau de base, texte et musique pour ensuite voir ce que l’on conserve dans une logique de spectacle. 

Comment incluez-vous la dimension jeune public ou scolaire dans votre travail ? 

Lorsqu’on réfléchit à la création d’un spectacle, on tient compte du réseau dans lequel on souhaite le diffuser. On cherche toujours à ce que notre spectacle ait une double vie, qu’il puisse trouver sa place dans un lieu dévolu au spectacle mais aussi dans des lieux moins équipés. On cherche des solutions pour toujours rester mobiles et ainsi se rapprocher des publics éloignés des lieux de culture.

Dans le travail d’écriture, on cherche aussi à revenir à l’essentiel et à simplifier sans dénaturer l’œuvre. La musique joue un rôle important car elle vient compenser certaines coupures dans le texte et faire du lien.

D’autre part, il y a toujours une demande pour chaque création de réfléchir à des ateliers pour le jeune public. Quand les enfants ou adolescents sont sensibilisés à ce qu’ils vont voir et écouter, ils sont plus en mesure d’apprécier le spectacle. Cela peut passer par des dossiers pédagogiques, des rencontres en amont ou des ateliers de chant.

Le plus important pour nous est de partir des envies de nos interlocuteurs et de ne pas plaquer nos propositions sur un territoire. C’est ce qui fait que le projet à Lons-le-Saunier fonctionne. Au départ, il y a une vraie envie des interlocuteurs, même avec plein d’inconnus. Et cette envie génère de la confiance nécessaire pour créer un projet ambitieux ensemble.

Pouvez-vous nous parler du projet à Lons-le-Saunier et de l’œuvre que vous avez choisie ?

Nous voulions proposer une « grande » œuvre du répertoire. Nous sommes donc partis sur Les Noces de Figaro. Il est évident que le propos de base ne s’adresse pas à des maternelles. Mais si on travaille sur la colonne vertébrale du propos il est question d’amour, de jalousie, de rivalités. Sentiments auxquels sont déjà confrontés les enfants. On le voit pendant les ateliers dans les relations qu’ils ont entre eux.

Par ailleurs, nous avons une affinité particulière pour cette œuvre, même un coup de cœur. Lorsqu’on a eu la proposition du projet à Lons-le-Saunier, on venait de terminer une adaptation pour des primaires et collèges avec un chœur mixte amateur et des solistes professionnels. Nous avons été très touchés par les retours des élèves qui ont été embarqués par l’histoire. Du coup on avait envie de voir comment nous pouvions encore creuser dans la matière, aller vers l’essentiel, la trame minimale. Ici, cela nous a entraîné dans l’univers du jardin et des insectes qui remplacent les personnages humains.

On peut trouver étonnant de toujours rejouer les mêmes œuvres mais quand on a un matériau super riche on a envie d’aller chercher tout ce que l’on peut faire jusque dans l’infiniment petit. 

Avec cette œuvre, on s’est dit que nous aurions alors suffisamment de matière pour nous nourrir. Et puis d’un point de vue vocal, dans Les Noces de Figaro, on peut chanter tous les deux plusieurs personnages.

À cela s’est ajoutée l’idée de la musique mécanique, des boites à musique et du componium pour nous accompagner. C’est un beau moyen d’amener de la douceur et de la poésie. Il y a beaucoup d’impossibles et de contraintes avec le componium mais cela nous oblige à faire des choix dans cette trame minimaliste. On prend beaucoup de plaisir à chercher le bon arrangement qui va garder le côté magique.

Comment se passe le projet et quelles sont les suites ? 

Avec ce projet, on travaille du tout petit au grand lyrique, du bourdonnement à la voix chantée, de la boîte à musique à l’orgue de barbarie. 
On leur a fait découvrir les petites boîtes à musique puis le componium (boîte à musique géante) et le basson, pour montrer le lien entre l’instrument à vent et le chant. On travaille sur l’ouverture de l’opéra avec des sons d’animaux, des bruits d’insectes pour créer une ambiance de jardin. Un véritable travail musical ! À chaque séance, ils découvrent un peu plus l’histoire, comme les épisodes d’une série.

Le plus important est que les enfants puissent s’intégrer totalement à nos parties chantées. Qu’ils soient dans la sensation et le ressenti physique des vibrations que provoque la voix. Pour la dernière séance, ils seront avec nous sur scène au théâtre à chanter et à intervenir pour créer des ambiances ou des accompagnement musicaux.

Nos séances sont aussi nourries des échanges avec les enseignants. Nous leur avons donné un contenu plus fourni sur l’œuvre et l’univers de l’opéra et ils nous font part des liens qu’ils tissent avec d’autres histoires.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce travail avec les maternelles ?

Les maternelles sont un public très spécifique. C’est une tranche d’âge où beaucoup de choses se jouent, comme l’entrée en sociabilisation, la découverte du monde, le développement de l’attention. Il y a un véritable défi pour nous dans ce que nous leur proposons. Et c’est un événement de venir dans les écoles proposer notre travail. Même si on imagine plein de choses en préparant les séances, il faut que cela prenne avec les élèves. Et puis c’est une chance pour les élèves de maternelles d’être initiés à l’opéra. Ce public est neuf et n’a pas d’a priori. Ils peuvent en garder un souvenir et transmettre à leur famille. À titre personnel, cela nous touche beaucoup car nous ne venons pas de familles de musiciens. On est arrivés à cet art, le plus codifié du spectacle vivant qu’est l’opéra, par des rencontres et des moments forts partagés.

Quelle est votre première expérience d’opéra qui vous a laissé un souvenir musical fort ?

Florie : Le Stabat Mater de Pergolèse. Dans ma petite école de musique on m’a fait écouter cette œuvre sur CD, puis un enseignant m’a proposé de monter cette pièce. J’avais 15 ans et aucune idée de ce qui m’attendait mais cette expérience m’a emmené vers ce nouvel univers.

Virgile : J’ai commencé le chant lyrique assez jeune sans m’intéresser vraiment à l’opéra. À 17 ans, j’ai eu l’occasion d’aller écouter Pelleas et Mélisande de Debussy à l’Opéra Bastille. Je m’attendais à voir des costumes et décors anciens. Mais avec la mise en scène très moderne (de Wilson) j’ai été pris par la musique et ça a été un premier choc de l’opéra live. Ce qui m’a donné envie de poursuivre et d’en faire mon métier.

Un dernier mot ?

Nous avons intitulé ce projet Noces en herbe, parce que comme les enfants, nous nous retrouvons comme de jeunes pousses dans ce jardin musical. Nous redécouvrons l’œuvre en la partageant avec eux, et nous la survolons comme les héros de l’histoire, Figaro et Suzanne, les abeilles sur le point de se marier, alors qu’un bourdon (le Comte) contrarie leur projet et que Chérubin, chenille devenue papillon, se questionne sur cette transformation. Nous espérons permettre aux enfants de faire comme Chérubin : déployer leurs ailes et découvrir leur voix en s’amusant !

Merci à vous deux d’avoir répondu à nos questions !

Pour suivre le travail de la Compagnie Matulu, rendez-vous sur matulu.fr


Le CLÉA (Contrat Local d’Éducation Artistique et Culturelle) de Lons-le-Saunier est un dispositif soutenu par la Ville de Lons-le-Saunier, la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, la DSDEN du Jura.