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Diriger sans pupitre, pourquoi, comment… ? C’est ce que Justin Bonnet abordera lors de la formation des 13 et 14 janvier 2024 au conservatoire d’Auxerre (lien en bas de l’article).

En attendant ce moment, nous lui avons posé quelques questions pour en savoir plus sur la musique traditionnelle et le positionnement d’un chef dans ce répertoire.

En quoi le répertoire de musique traditionnelle est-il intéressant aujourd’hui ?

Je dirais pour quatre grandes raisons. La première c’est que nos chansons paysannes en langue française sont très peu connues, voire totalement inconnues. Elles méritent plus qu’un détour, ne serait-ce que pour leur nombre (plus de 2500 chansons types référencées), leur beauté mélodique, rythmique ou poétique. 

La deuxième c’est qu’elles sont très faciles à aborder : elles sont dans la langue que l’on parle et leur structure souvent « à répondre » permet de les pratiquer sans la moindre préparation.

La troisième c’est que cette pratique collective est, comme toute pratique musicale, un puissant moyen de partager, de faire communauté, sans aucun pré-requis hormis un peu de familiarité avec la langue française. On a bien besoin de développer les pratiques qui nous réunissent en ce moment…

La quatrième c’est que lorsqu’on se frotte à une chanson de tradition orale, l’enjeu premier n’est pas de « respecter un texte » mais plutôt de s’approprier la chanson. C’est un appel à l’invention, mélodique, poétique ou polyphonique. Une invention en douceur, parfois même inconsciente, par petites touches, sans qu’on ait besoin de compétences de compositeur ou de poète.

Diriger sans pupitre, qu’est-ce que cela entraîne dans votre conception ou votre pratique du rôle de chef ?

Ne pas avoir de pupitre, c’est être mobile dans l’espace, pouvoir aisément passer du rôle de transmetteur, transmettrice à celui de « chanteureuse » avec le reste du groupe, comme les autres. C’est pouvoir parfois assumer de donner des directions, des corrections au besoin, mais sans s’enfermer dans un rôle de « chef » qui rappelle un type d’organisation pyramidale qu’on doit pouvoir remettre en question dans une pratique orale. 

Ne pas avoir de pupitre, c’est aussi rappeler qu’ici il n’y a pas de nécessité de « servir un texte » et encore moins de « se mettre au service d’un chef ». Il y aurait un autre mot à utiliser que celui de chef dans le cadre d’une pratique orale… passeur, passeuse c’est pas mal. Je suis preneur de toute suggestion !

La transmission orale, quelles particularités ?

Par rapport à une pratique de la musique écrite, tout est assez différent : pas de textes difficiles à déchiffrer qui font souvent froncer les sourcils et tendre les cervicales ; le corps est immédiatement disponible et réceptif à ses propres sensations et aux autres. Nous voilà un peu à nu, certes, sans la figure tutélaire et inspirante des grands compositeurs, mais prêts à inventer ensemble et à continuer de faire vivre la tradition, à notre manière, pour aujourd’hui. La tradition orale francophone n’est pas morte, elle n’attend que nous pour la faire vivre plus fort encore.

Retrouvez Justin Bonnet en formation les 13 et 14 janvier 2024 à Auxerre

et en concert avec le quintette Têtes de Chien le 22 décembre 2023 à Vézelay

Justin Bonnet aux Rencontres musicales 2023 © Vincent Arbelet