Première Loge – l’art lyrique dans un fauteuil | Sabine Teulon Lardic | 27 août 2022

« L’ouverture du festival se déroule traditionnellement dans la collégiale Saint Lazare d’Avallon. La carrière de la haute-contre Pierre de Jéliote (1713-1797) y est évoquée au fil d’une succession de 15 extraits de tragédies lyriques ou de pastorales que l’artiste vedette contribua à créer ou diffuser à l’Académie royale de musique (Opéra) sous Louis XV, après sa formation initiale à Toulouse. Il est amusant de souligner que sa fulgurante ascension sociale et d’artiste (après avoir été repéré par l’intendant des Menus Plaisirs à Toulouse) fera l’objet d’un opéra-comique culte au XIXe siècle, Le Postillon de Lonjumeau d’Adam. Comme le signalait notre confrère Marc Dumont à propos de l’enregistrement de ce récital chez Alpha, ce portrait musical de Jéliote est « tour à tour joyeux, martial, dramatique, poétique, touchant et s’offre à l’auditeur dans un subtil agencement ».

De fait, la performance du ténor et de l’ensemble A Nocte Temporis (qu’il a fondé) trace peu à peu les contours d’un savoir-faire musical « à la française » sous Louis XV. Autour de la planète J.-P. Rameau, une constellation de compositeurs brille, qui par son élégance mélodique (F. Colin de Blamont), qui par ses effets d’instrumentation (J.-M. Leclair), par les couleurs occitanes qui pimentent la pastorale (J.-J. C. de Mondonville), ou encore par l’art théâtralisé des ruptures (Rebel et Francoeur) :  voir la rubrique Programme.

La maîtrise vocale de Reinoud Van Mechelen est d’un raffinement et d’un engagement sans faille au long d’un programme cependant éprouvant. Superbe diction, stylistique ramiste, vocalises furieuses (« Je déchaine les vents »), tout évoque le talent de Jéliote décrit par son contemporain, Marmontel comme une « plénitude des sons, [un] éclat perçant du timbre argentin ». Malgré l’acoustique tournoyante de l’église, l’artiste fait valoir les registres variés de la sélection ramiste, notamment celui galant d’Hippolyte et Aricie, celui comique de Platée sous les allitérations de « Que ce séjour est agréable », mais également celui funeste de Dardanus, aussi expressif que l’air fameux de Télaïre. »